The FHH Journal about Watchdreamer
"Désormais, dans la Haute Horlogerie, pas un mois ne se passe sans l’annonce d’un partenariat ou d’un lancement sur Internet. Pour la première fois en Suisse, un site propose des montres de luxe en leasing. Un nouvel acteur qui renouvelle la clientèle, en même temps qu’il modifie les prés carrés digitaux."
Difficile de se rappeler que le sujet était encore terriblement tabou il y a cinq ans. Pratiquement inexistantes en 2010, les solutions d’achat de montres de luxe en ligne se multiplient aujourd’hui. En 2018, pas un mois ou presque ne s’est écoulé sans l’annonce d’un lancement ou d’un partenariat sur le Web. Si réticentes auparavant, les marques horlogères sont ainsi de plus en plus nombreuses à proposer leurs produits online, que cela soit sur leur propre e-boutique ou à travers des plates-formes établies. Dans un réflexe de survie face à cette lame de fond, les détaillants, eux aussi, investissent le monde immatériel du digital. Un monde qui engendre également de nouveaux acteurs comme watchdreamer.com, un tout récent site de vente en ligne qui introduit pour la première fois en Suisse le leasing dans la Haute Horlogerie. Autant d’initiatives qui ont en commun de faire voler en éclats les frontières commerciales et les prés carrés en vigueur. N’en déplaise aux marques encore frileuses, qui perdent inéluctablement leur pouvoir de contrôle.
"Les marques de Haute Horlogerie à être proposées à la vente sur Internet sont aujourd’hui plus nombreuses que celles qui ne le sont pas."
e-Boutiques ou plates-formes ?
Les marques de Haute Horlogerie proposées à la vente sur Internet sont aujourd’hui plus nombreuses que celles qui ne le sont pas. Dernière actualité en date : Panerai. Déjà présente sur le Web en Chine et aux États-Unis, la manufacture du groupe Richemont a annoncé en octobre dernier avoir modernisé son site, lequel inclut désormais une activité d’e-commerce destinée au marché Suisse et européen. Elle offre ainsi aux internautes de nombreux services, comme une conciergerie disponible par téléphone ou par chat, un emballage cadeau avec carte spécialement imprimée, plusieurs moyens de paiement, la possibilité de connaître la disponibilité d’un produit et de le retourner, ainsi que la livraison gratuite dans les boutiques de Londres, Paris et Munich.
Au mois de septembre dernier, c’est Carl F. Bucherer qui dévoilait son arrivée sur JD.com, la deuxième plate-forme chinoise de commerce en ligne après alibaba.com, qui revendique plus de 290 millions de clients actifs pour un chiffre d’affaires de 55,7 milliards de dollars en 2017. Avant elle, H. Moser & Cie, Eberhard & Co, Chopard, Zenith ou encore TAG Heuer se sont également laissé séduire par ce portail qui redouble d’efforts pour offrir un environnement guidé par les codes du luxe. De leur côté, Roger Dubuis et Breitling ont conclu une collaboration avec l’Anglais Mr Porter, le premier en novembre, le second en mai. Dix-huit marques haut de gamme font déjà partie de l’assortiment de cette plate-forme, parmi lesquelles Ressence, Oris, Bell&Ross et pratiquement toutes les enseignes du groupe Richemont. Mr Porter est en effet sa propriété à travers le groupe Yoox-Net-a-Porter, racheté ce printemps pour 2,8 milliards de dollars.
Détaillants pas en reste
Du côté des détaillants, les choses évoluent également rapidement. Face à la multiplication des boutiques en propre (propriétés des marques) et à la croissance du commerce en ligne, c’est pour eux une simple question de survie. Avec 104 points de vente actuellement à travers le monde, Bucherer est l’un des revendeurs traditionnels les plus actifs sur la toile. Après avoir lancé en décembre 2017 son premier site d’e-commerce en Suisse, après avoir racheté Tourneau en janvier - le plus grand détaillant offline et online des États-Unis -, Bucherer a poursuivi son développement au pas de charge en ouvrant une plate-forme digitale en Allemagne en avril dernier. L’entreprise familiale helvétique a en effet profité de l’expertise du distributeur britannique The Watch Gallery, racheté l’an dernier, qui exploite depuis des années une boutique en ligne. Le site de Bucherer propose à la vente une vingtaine de marques horlogères - parmi lesquelles Blancpain, Cartier ou Jaeger-LeCoultre - et des bijoux de sa propre ligne Fine Jewellery. Détail intéressant : une équipe de vendeurs est à la disposition des cyberacheteurs du lundi au samedi et intervient en temps réel pour conseiller et orienter.
Présent dans cinq villes de Suisse, Les Ambassadeurs vient d’emboîter le pas à son concurrent : en septembre dernier, le détaillant mettait en ligne son assortiment de quelque 1’500 montres proposées par 38 marques. Ce nouveau site d’e-shopping propose également des services à la hauteur des produits vendus : envoi gratuit par la Poste, retrait dans l’une des cinq boutiques, livraison personnalisée par concierge… En cas de besoin, un horloger se déplace même à domicile pour faciliter la prise en main.
Faire tomber les murs
Impossible cependant, sur les sites en ligne de ces deux distributeurs, d’acheter des Rolex ou des Patek Philippe. Les ambassadeurs ne les propose simplement pas ; Bucherer, de son côté, renvoie à des formulaires de renseignements. Ces deux Maisons restent en effet des plus réfractaires à toute idée de ventes via Internet. Tout comme Chanel d’ailleurs, que l’on trouve pourtant sur lesambassadeurs.ch. Dans un monde globalisé, difficile en effet pour les marques de continuer à maîtriser tous les canaux.
L’exemple de watchdreamer.com est éloquent. Lancé le 8 novembre 2018, le site est le premier en Suisse à proposer une solution de financement à crédit. Associée à l’organisme Creditum, la start-up offre quelque 600 montres d’une trentaine de marques, qu’il est possible de payer par mensualités (de 6 à 120 mois) après acceptation du dossier et versement d’un acompte de 10 %. « Je n’achète pas directement les montres, explique le fondateur Nicolas Hildenbrand. J’ai signé des partenariats avec des détaillants officiels de Suisse romande qui mettent en quelque sorte leurs stocks à disposition. » Dix jours après son ouverture, le site avait déjà enregistré 80 ventes, dont 39 le premier jour. « Cela a été une véritable explosion, se réjouit le jeune entrepreneur. Beaucoup de marques m’ont déjà appelé pour me féliciter et pour montrer leur intérêt. »
Si 90 % des produits proposés sont neufs, quelques dizaines sont également d’occasion, provenant d’un marchand genevois réputé. « Cela me permet d’offrir davantage de modèles Audemars Piguet et Patek Philippe, de toute façon très rares en vitrine », confie Nicolas Hildenbrand. À l’heure d’écrire ces lignes, ce sont ainsi 13 Royal Oak et 21 Patek Philippe qui sont affichées sur ce site d’e-commerce. De même que 79 Rolex, neuves pour la plupart. En plein boom, le marché de seconde main est peut-être celui qui brouille le plus les pistes. Racheté en juin 2018 par Richemont, le portail watchfinder.co.uk est spécialisé dans les « Certified Pre-Owned Watches ». Présentant plus de 4’000 pièces de 58 marques, le site affiche pas moins de 1’250 Rolex - de loin la marque la plus représentée. Une particularité des plus paradoxales qui fait de Richemont, indirectement, l’un des premiers revendeurs de montres Rolex au monde !